Trop de bactéries multirésistantes aux antibiotiques chez les enfants d'Afrique subsaharienne
Des chercheurs suisses ont dévoilé des chiffres alarmants sur les proportions élevées d’enfants sud-africains porteurs de bactéries multirésistantes aux antibiotiques.
"La résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement", avait alerté l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en 2020. L’antibiorésistance désigne la capacité d’une bactérie à résister à l’action d’un antibiotique.
En Afrique subsaharienne, cette problématique est particulièrement importante. Ce pays détient le taux le plus élevé de décès attribué à la résistance aux antibiotiques, notamment chez les enfants et les nouveau-nés. Deux études, réalisées par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève (UNIGE), ont notamment observé des taux très élevés d’enfants porteurs de souches bactériennes multirésistantes. Ces travaux ont été publiés dans la revue The Lancet.
Une résistance de 92,5 % à l’ampicilline
Lors de la première étude, les scientifiques ont estimé la proportion d’entérobactéries, présentes dans le tube digestif, résistantes aux antibiotiques chez les enfants en Afrique subsaharienne.
Des proportions élevées de résistance à l’ampicilline et à la gentamicine, deux antibiotiques souvent prescrits en cas de septicémie, ont été observées chez les enfants. Ces taux ont atteint respectivement 92,5 % pour l’ampicilline et 42,7 % pour la gentamicine dans le cas d’une infection à E.coli. "Les souches de Klebsiella spp, toujours résistantes à l’ampicilline, présentaient des proportions de résistance de 77,6 % à la gentamicine. Les entérobactéries analysées montraient également des proportions élevées de résistance aux céphalosporines de troisième génération, qui représentent la 2e ligne de traitement du sepsis [septicémie] de l’enfant, avec respectivement 40,6 % des échantillons d’E. coli et 84,9 % des échantillons de Klebsiella spp résistants. Ces résultats suggèrent donc une proportion très élevée de résistance aux antibiotiques recommandés en première et deuxième lignes pour les septicémies de l’enfant", peut-on lire dans un communiqué.
Dans le cadre de la seconde recherche, les équipes suisses ont évalué la prévalence du nombre d’enfants colonisés par des entérobactéries résistantes aux céphalosporines de 3ème génération. "Le terme colonisation désigne le fait de retrouver des bactéries dans les selles d’un enfant, sans infection existante", ont indiqué les chercheurs. Ces travaux ont notamment montré que 53,8 % des enfants entrés à l’hôpital sans être porteurs d’entérobactéries résistantes sont ressortis positifs pour ces bactéries.
Sur une cohorte de 9.408 enfants, environ 32,2 % étaient porteurs d’entérobactéries résistantes aux céphalosporines à large spectre. "Ces proportions sont très élevées et inquiétantes. En effet, ces traitements sont donnés en deuxième ligne lorsque ceux de première ligne ont échoué. Or, il n’y a souvent pas d’autres options thérapeutiques disponibles dans cette région en cas d’échec", a alerté la Professeure Annick Galetto-Lacour, responsable des deux méta-analyses, médecin adjointe agrégée au Service d’accueil et d’urgences pédiatriques des HUG.
Les animaux d’élevage font les résistances aux antibiotiques
On l’appelle antibiorésistance, la résistance aux antibiotiques. Des chercheurs de l’Institut pasteur viennent de montrer que dans le cas des salmonelles, elle est serait liée à l’usage d’antibiotiques pour le bétail.
La résistance aux antibiotiques est aujourd’hui un sujet de santé publique. 25 000 décès y seraient liés chaque année. Elle pourrait faire plus de 10 millions de victimes dans le monde d’ici 2050.
A travers une analyse génétique des bactéries, des chercheurs de l’Institut Pasteur sont parvenus à mieux comprendre pourquoi le corps humain est résistant à l’ampicilline, un antibiotique à large spectre utilisé notamment contre les salmonelles.
De fait, si la première version de l’ampicilline a été commercialisée en 1961, des premières épidémies de souches résistances à l’antibiotique sont apparues dès 1962. Les scientifiques ont analysé l’ADN de 288 souches de la salmonelle venants d’humains, d’animaux et d’aliments. Des gènes résistants à l’ampicilline ont été trouvés dans 11 souches d’origine humaine.
Notamment sur certaines datant de 1959 et 1960, soit avant la commercialisation du médicament chez l’homme.
L’utilisation de pénicilline pour le bétail
Les chercheurs ont tenté de comprendre les raisons de cette résistance précoce. Selon eux, cela pourrait être lié à l’utilisation de pénicilline dans les élevages. L’utilisation non médicale de cette substance a pu aider à la propagation de gènes de résistances chez l’homme.
« Nos découvertes indiquent que les résidus d’antibiotiques dans les environnements agricoles des années 1950, tels que le fumier, la terre, et les eaux, ont pu avoir un impact bien supérieur à ce que l’on pensait sur la propagation de la résistance à l’ampicilline », explique le Dr François-Xavier Weill, chef de l’unité Bactéries pathogènes entériques à l’Institut Pasteur, qui a dirigé ces recherches.
Il y a plusieurs semaines, l’Organisation Mondiale de la Santé appelait à mettre fin à l’usage des antibiotiques de manière systématique chez les animaux d’élevage sain. Une pratique qui vise à favoriser le développement des bêtes et à prévenir l’apparition de maladies.
Antibiorésistance : voici les bactéries qui menacent l'Homme, selon l’OMS
L’OMS a publié une nouvelle liste de bactéries résistantes aux médicaments qui représentent la plus grande menace pour la santé humaine.
Il y a désormais quinze familles de bactéries résistantes aux antibiotiques, selon la nouvelle liste publiée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ces dernières représentent, actuellement, la plus grande menace pour la santé humaine pour l'institution.
Bactéries résistantes : la menace s'est intensifiée depuis 2017
L’antibiorésistance est la capacité d'une bactérie à résister à l'action d'un antibiotique, selon l’Assurance Maladie. Il s’agit d’un phénomène dangereux pour la santé humaine car, comme le rappelle l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), 700.000 personnes, dont 25.000 en Europe, meurent chaque année d’infections dues à des bactéries résistantes à ces traitements.
"Cette liste, qui cartographie la charge mondiale des bactéries résistantes aux médicaments et en évalue les effets sur la santé publique, est essentielle pour orienter les investissements et répondre à la crise de la mise au point d’antibiotiques et de l’accès à ces derniers, indique la Dre Yukiko Nakatani, sous-directrice générale par intérim de l’OMS pour la résistance aux antimicrobiens, dans un communiqué. Depuis la publication en 2017 de la première Liste des agents pathogènes prioritaires, la menace de la résistance aux antimicrobiens s’est intensifiée, affaiblissant l’efficacité de nombreux antibiotiques et mettant en péril bon nombre des acquis de la médecine moderne."
La précédente liste, établie en 2017, indiquait cinq combinaisons d’agents pathogènes-antibiotiques qui ont été supprimées dans l’actualisation 2024. En revanche, quatre autres ont été ajoutées.
La nouvelle liste de 2024, comme celle de 2017, comprend trois catégories : les bactéries de priorité critique, celles de priorité élevée et moyenne. Entre ces deux publications, certaines agents pathogènes ont changé de catégorie, comme l’infection à Pseudomonas aeruginosa résistant aux carbapénèmes (ParC - une sous-classe d’antibiotiques) qui est passée de priorité “critique” à “élevée”.
Ainsi, dans la nouvelle liste, la catégorie de priorité critique comprend les bactéries suivantes :
- Enterobacterales, résistantes aux céphalosporines de troisième génération,
- Enterobacterales, résistantes aux carbapénèmes
- Acinetobacter baumannii, résistante aux carbapénèmes
- Mycobacterium tuberculosis, résistante à la rifampicine, qui est à l’orgine, selon l’Institut Pasteur, de la tuberculose.
Les bactéries de priorité élevée sont l’enterococcus faecium (résistante à la vancomycine), la Shigella spp. (résistante aux fluoroquinolones), la Salmonella Typhi (résistante aux fluoroquinolones), la Pseudomonas aeruginosa (résistante aux carbapénèmes), la Salmonella non typhoïdique (résistante aux fluoroquinolones), le Staphylococcus aureus (résistant à la méticilline) et, enfin, la Neisseria gonorrhoeae (résistante aux céphalosporines et/ou aux fluoroquinolones de troisième génération).
La dernière catégorie concerne les bactéries de priorité moyenne. Il s’agit de l’Haemophilus influenzae, résistant à l’ampicilline et les Streptocoques du groupe A et B (respectivement résistants aux macrolides et à la pénicilline) et le Streptococcus pneumoniae, résistant aux macrolides.
Antibiorésistance : 3 salmonelles sur 10 concernées en Europe
La résistance aux antibiotiques progresse. Les salmonelles connaissent une progression régulière. Elles représentent la deuxième toxi-infection alimentaire en Europe.
Les alertes se multiplient autour de l’antibiorésistance. Sans effet. En Europe, les bactéries résistent de mieux en mieux aux antibiotiques. Chaque année, elles causent 25 000 décès. Ce 22 février, les Centres européens pour le contrôle et la prévention des maladies (ECDC) s’alarment de la montée des résistances chez les salmonelles. Elles représentent la deuxième source d’intoxications alimentaires au sein de l’Union européenne.
Des souches plus solides
3 souches de salmonelles sur 10 étaient multi-résistantes en 2015. Une part similaire des bactéries prélevées chez des patients est capable de survivre à un seul antibiotique (sulfonamides, tétracyclines, ampicilline). Le bilan est particulièrement inquiétant pour une souche : chez la Salmonella typhimurium, 81 % des échantillons sont antibio-résistants. Et cette estimation progresse de manière régulière.
« Il est particulièrement inquiétant que certaines salmonelles courantes chez l’homme, comme la Salmonella Typhimurium monophasique, expriment une multi-résistance très élevée », estime Mike Catchpole, directeur scientifique à l’ECDC.
La toxi-infection alimentaire la plus fréquente, associée à Campylobacter, ne rassure pas plus. Les taux de résistance sont hauts, voir très hauts, dans tous les Etats membres, à deux exceptions près : le Danemark et la Norvège – associée à la surveillance en Europe. Pour la souche C. coli, 80 à 100 % des échantillons témoignent d’une résistance. 14 % sont même multi-résistantes.
Une résistance à la colistine
Les pays d’Europe de l’Ouest et du Nord sont relativement avantagés : leurs mesures de prévention ont payé et la progression des résistances est limitée. Ce n’est pas le cas à l’est et au sud du Vieux continent. « Nous avons développé de gros efforts pour interrompre sa progression, mais ce n’est pas suffisant, tranche donc Vytenis Andriukaitis, Commissaire européen à la Santé et la Sécurité alimentaire. Nous devons agir plus vite, plus fort et agir sur plusieurs fronts. »
Le Commissaire annonce, dans un communiqué, le lancement d’un plan d’action d’ici l’été 2017. Il fixera le cadre des actions coordonnées au sein de l’Union européenne. Car l’objectif est clair. Il s’agit de rationaliser l’usage des antibiotiques en médecine humaine, mais aussi animale. Et pour cause : la résistance à la colistine, antibiotique de dernier recours, a été repérée pour la première fois sur le continent. L’homme n’est pas encore touché.
L’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), qui a collaboré à ce rapport, recommande donc deux choses : placer l’apparition des gènes mcr-1 et mcr-2, associés à la résistance à la colistine, sous étroite surveillance, et améliorer le suivi du staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM) chez les animaux destinés à l’alimentation humaine.