Dysfonction érectile

Troubles de l'érection : les médicaments à la rescousse

Il existe désormais des médicaments efficaces pour palier les difficultés d'érection, mais ces traitements n'agissent que si les déficiences sont d'origine 'mécanique'.

Les troubles de l'érection ont à la fois des causes physiques et des causes psychologiques. Un mélange complexe que les sexologues résument en deux mots: trouble multifactoriel. Et comme si les choses n'étaient pas déjà assez compliquées, le dialogue entre le cerveau et le pénis est à double sens. Ainsi un stress intense peut-il empêcher l'érection, mais l'inverse est aussi vrai, et une action strictement locale sur l'organe viril, par exemple par une injection de vasodilatateur, a un retentissement sur le cerveau en diminuant l'anxiété, ce qui en retour facilite l'érection.

Autrefois, lorsqu'ils évoquaient la part biologique de l'érection, les médecins se contentaient de délivrer des conseils d'hygiène de vie: éviter de manger trop gras, de trop boire, ne pas fumer et faire du sport régulièrement.

L'objectif étant de préserver le bon état des vaisseaux et des nerfs du pénis. Mais l'essentiel de la prise en charge thérapeutique reposait encore sur les aspects psychologiques de l'excitation. Désormais la biologie de l'érection est clairement revenue au centre des attentions avec l'arrivée du Viagra, premier inhibiteur de phosphodiestérase V (IPDE5) en 1998, rapidement suivi de ses petits frères, Levitra et Cialis(tadalafil), puis Spedra plus récemment. Peut-être trop.

Troubles de l'érection

Veiller au bon usage du médicament

"Le risque est aujourd'hui de ne pas aborder les aspects psychogènes", souligne le Dr Jean-Roger Dintrans, psychiatre et sexologue (Paris), "ou de les réduire à l'angoisse de performance". Il n'est qu'à entendre certains leaders de la discipline, tel Irvin Goldstein, le directeur du Centre de médecine sexuelle de San Diego (Etats-Unis): "Ce n'est pas pour dévaloriser les aspects psychologiques mais à un certain point tout le sexe est mécanique, affirmait-il peu de temps après l'arrivée du Viagra. L'homme a besoin d'une rigidité axiale suffisante de son pénis pour la pénétration et doit arriver à la maintenir. C'est une structure mécanique et les structures mécaniques suivent des principes scientifiques". On a connu plus romantique.

Il est vrai que les médicaments de l'érection ont largement fait la preuve de leur efficacité. A condition de veiller à leur bon usage, insistent les spécialistes. "Lorsqu'elle n'est pas contre-indiquée, la prescription d'un IPDE5 chez un homme doit être accompagnée, explique le Dr Frédérique Hédon, médecin-sexologue (Neuilly), c'est-à-dire qu'il faut rechercher les évènements qui ont pu déclencher la panne: la vie du couple, le travail, etc. Car si la dysfonction érectile cache un problème de fond, l'IPDE5 ne suffira peut-être pas". Le Dr Dintrans met aussi en garde contre un abord réducteur des troubles de l'érection: "Si l'on permet chimiquement l'érection sans changer les conditions du désir, l'homme risque de s'enfoncer dans la prestation de service sexuel".

La liste des causes possibles de dysfonction érectile est longue. "On peut les résumer en trois grands axes, explique le Dr Dintrans: les difficultés avec les partenaires éventuels, le manque de confiance en soi et l'âge". Pour l'âge, c'est un fait physiologique, lorsque l'on vieillit l'érection devient moins spontanée, plus longue à se former, moins ferme, moins durable, plus inconstante et requiert souvent une stimulation directe pour se produire. On ne peut rien y faire mais une bonne hygiène de vie peut retarder cette évolution. La qualité de la relation de couple peut bien sûr retentir sur l'excitation. Trop conflictuel, elle peut susciter des blocages émotionnels. Harmonieuse, elle assure satisfaction émotionnelle mais risque de devenir routinière et nuire à l'excitation sexuelle qui a besoin d'imprévu sinon de nouveautés. Enfin, dans les cas ou la perte d'estime de soi est au premier plan, les médicaments donnent souvent des résultats spectaculaires, à condition que les blessures narcissiques ne soient pas trop profondes.

Sexualité: beaucoup d'attentes irréalistes

"Avec un IPDE5, l'homme va retrouver son érection et donc confiance en lui", souligne ainsi le Dr Mimoun. Rassurer est souvent la première tâche des sexologues. Surtout dans un discours ambiant qui valorise la notion de performance sexuelle. La moindre défaillance entretient alors un cercle vicieux de représentations négatives. "L'angoisse de performance conduit l'homme à avoir son attention focalisée sur son érection, détaille le Dr Dintrans, mais alors elle ne peut plus l'être sur le jeu érotique. Or, il faut être sûr de soi pour partager son désir, pour le porter dans le territoire de l'autre".

De plus, le stress et l'anxiété rendent l'érection plus difficile à obtenir car ils stimulent le système nerveux sympathique. "La crainte d'être en panne peut mettre en panne, résume le Dr Hédon. Parfois l'anxiété est tellement forte qu'elle peut même empêcher l'action des injections intra-caverneuses!". La position de la partenaire n'est pas plus confortable. Si elle fait tout pour aider l'homme à retrouver son érection, elle accentue la pression de performance. "Et si elle minimise en disant que ce n'est pas grave, l'homme va se sentir incompris car pour lui ‘C'est grave!'", note le Dr Hédon.

La thérapie permet de remettre les choses à leur place. "Beaucoup d'hommes ont des attentes irréalistes par rapport à la sexualité", explique le Dr Dintrans. Les films pornographiques, réalisés "avec trucage" ce dont beaucoup de spectateurs n'ont pas conscience, entretiennent d'ailleurs dans l'imaginaire collectif l'illusion d'une puissance masculine quasiment inépuisable bien loin de la réalité quotidienne. En pratique, la première raison qui empêche les hommes, comme les femmes, d'avoir plus souvent des rapports sexuels n'est pas le manque de désir mais plus prosaïquement la fatigue, comme le rappelait une étude française menée sous la houlette du Dr Marie-Hélène Colson, médecin-sexologue (Marseille) et publiée en 2006 dans le Journal of Sexual Medicine.

Un nouveau traitement

"Le but de la thérapie est bien sûr que l'homme retrouve une érection satisfaisante mais aussi de l'aider à aller vers une sexualité plus sensuelle et moins génitale qui, en général, correspond mieux à sa partenaire", souligne le Dr Hédon. Mais pour lui, cela ne signifie pas qu'il faille abandonner son comportement sexuel pour se couler dans celui de l'autre. "On fait une erreur de représentation en étendant à la sexualité l'égalité hommes-femmes au sens culturel, social, professionnel, explique-t-elle. On confond égalité et identité. Les hommes et les femmes n'ont pas le même sexe anatomique, pas la même physiologie ni les mêmes hormones". Une différence organique qui a des répercussions psychiques: "L'homme vit son sexe comme quelque chose d'extérieur et la femme vit le sien comme quelque chose d'intérieur", souligne-t-elle. C'est peut-être ce qui pourrait faciliter la prise du nouveau traitement dont l'arrivée sur le marché français est imminente, Vitaros, puisqu'il s'agit d'un gel externe de prostaglandine. L'homme dépose simplement une goutte de gel au bout du gland au niveau de l'orifice urinaire.

Reste que certains n'ont pas envie d'être confronté à la complexité de leur sexualité. Voir dans l'érection un simple problème d'hydraulique ou un déficit hormonal qui peut être résolu médicalement ne déplait pas aux hommes. "Beaucoup préfèrent penser qu'ils ne fonctionnent pas parce qu'ils n'ont pas assez d'hormone mâle", remarque le Dr Sylvain Mimoun. L'érection peut aussi être obtenue par un procédé purement mécanique grâce au vacuum, un système de pompe à aspiration associé à un anneau faisant garrot à la base de la verge une fois celle-ci gorgée de sang. Enfin, dans les cas les plus graves, l'implantation de prothèses péniennes est une alternative efficace.

Peut-on soigner l'éjaculation prématurée ?

L'EP est la dysfonction sexuelle masculine la plus fréquente. Elle touche environ un tiers des hommes à divers moments de leur vie, sans grande variation selon l'âge et les continents. De nombreuses études ont mis en évidence qu'elle entraînait une très importante souffrance chez l'homme bien sûr, mais aussi chez la partenaire et le couple. L'EP a un très fort impact sur la qualité de vie des hommes en général, en particulier sur la satisfaction sexuelle qui est très diminuée. L'EP retentit aussi très fortement sur la confiance en soi et l'estime de soi.

Ce problème impacte aussi sur la sexualité féminine. Du reste, les hommes souffrant d'EP éprouvent souvent une immense culpabilité vis-à-vis de leur partenaire. Des difficultés de communication peuvent apparaître dans le couple tant les deux partenaires ont du mal à aborder le problème: la femme parce qu'elle a peur de plonger son homme dans une anxiété d'échec, de lui faire de la peine et de le vexer et l'homme parce qu'il choisit plutôt le déni et l'évitement. Les rapports sexuels s'espacent ("tu vas encore éjaculer trop vite, à quoi bon essayer?"), ce qui augmente davantage la rapidité de l'éjaculation et peut entraîner le couple dans une crise.

Forte angoisse de performance

Elle est définie ainsi par la Société internationale de médecine sexuelle: l'EP est une dysfonction sexuelle masculine caractérisée par une éjaculation qui survient toujours ou presque toujours avant ou au plus environ une minute après la pénétration vaginale, par une incapacité à retarder l'éjaculation lors de toutes ou presque toutes les pénétrations vaginales et par des conséquences négatives personnelles, telles que souffrance, tracas, frustration et/ou évitement de l'intimité sexuelle. On distingue deux principales formes cliniques: l'EP primaire où l'éjaculation est très rapide, suivant de peu ou parfois précédant la pénétration, quasi systématique pour tous les rapports sexuels, avec toutes les partenaires, depuis le début de l'activité sexuelle. Concrètement, le plus fréquemment, ce sont des hommes, essentiellement jeunes et inexpérimentés, éprouvant une forte angoisse de performance. Ils ont moins de 30 ans, et ils ont un manque d'apprentissage évident. Ces jeunes hommes ont souvent une masturbation culpabilisée, et ils sont habitués à décharger rapidement leurs tensions par masturbation.

L'EP secondaire survenant après une période de vie sexuelle où l'éjaculation ne posait pas de problème. Ce changement peut être dû à des événements de vie retentissant sur la vie intime (par exemple l'arrivée d'un enfant), à des problèmes d'ordre psychologique, relationnel ou médical. Dans ce cas, c'est souvent lié à un trouble de l'érection (l'homme recherche alors une excitation maximale pour obtenir et maintenir une érection qu'il a peur de perdre et, de ce fait, il précipite la survenue de son éjaculation).

Thérapie comportementale

La prise en charge thérapeutique de l'EP dérive de ces deux dimensions. Bien sûr, ses modalités sont variables selon les individus et les situations mais, le plus souvent, l'EP répondra à un traitement combiné, associant une thérapie sexologique à un traitement pharmacologique.

Le traitement pharmacologique repose sur l'utilisation d'un inhibiteur de la recapture de la sérotonine qui permet d'avoir une efficacité rapide sur le symptôme utile pour motiver le patient, indispensable en cas d'EP sévère (moins d'une minute) pour mettre en place une possibilité d'acquisitions d'habiletés ou lorsque le couple est en crise et à la demande d'un résultat rapide.

Bientôt un médicament contre l'éjaculation précoce

Le manuel de référence américain en psychiatrie (DSM-5) définit le trouble comme une "éjaculation déclenchée par une stimulation minimum avant, au moment ou juste après la pénétration et survenant de façon constante ou récurrente avant que l'homme ne le veuille" sans faire mention toutefois de la durée de pénétration. On estime néanmoins que 90% des hommes qui en sont atteints ne tiennent pas plus d'une minute après le début de l'acte sexuel, et même moins de 30 secondes pour 80% d'entre eux. Dans la population générale, la durée médiane se situe entre 5 mn 30 s et 6 mn. Surtout, l'immense majorité de ces hommes se plaignent d'un manque de contrôle du moment fatidique.

La dapoxétine appartient à une famille d'antidépresseurs appelée inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, un neuromédiateur présent dans le cerveau. Sa durée d'action courte (quelques heures) qui en fait un mauvais antidépresseur devient un avantage ici. L'effet de sevrage qui se manifeste lors d'un arrêt trop brutal de cette famille thérapeutique serait notamment moins marqué.

30% des hommes ont renoncé en cours de traitement

Car la dapoxétine a bien quelques effets indésirables. Dans les études conduites sur plus de 6000 hommes, 30% ont renoncé en cours de traitement, soit à peine plus que ceux qui recevaient un placebo (traitement inactif). Ils étaient un sur six à ressentir des nausées, environ un sur dix des vertiges ou des migraines tandis qu'un sur vingt se plaignait de diarrhée, somnolence ou fatigue. Enfin, on comptait deux fois plus de troubles de l'érection sous traitement que sous placebo. Au point que l'Agence européenne du médicament (EMA) a dû rendre un arbitrage suite à "des inquiétudes exprimées par certains États membres concernant le bénéfice/risque du comprimé 60 mg" (il existe deux dosages à 30 et à 60 mg, NDLR). Selon l'EMA, "le bénéfice supplémentaire apporté par ce comprimé par rapport au comprimé à 30 mg leur semblait trop réduit au regard du risque accru de cas graves de syncopes (évanouissement) observés dans des études portant sur le médicament".

En fait, le principal mérite de la dapoxétine pourrait bien être de décomplexer les hommes atteints d'éjaculation précoce, pour qu'ils osent en parler à un sexologue. Dans la dernière enquête nationale sur la sexualité des Français, 6,5% des hommes disaient souffrir "souvent" de ce trouble et 33% "parfois". Mais dans ce cas, quatre sur cinq estimaient que cela ne leur posait pas de problème.

Au-delà des vieilles méthodes encore proposées pour retarder l'imminence de l'orgasme (arrêt des mouvements de va-et-vient, pression du gland ou de la base de la verge), il existe désormais des approches plus globales qui améliorent la sexualité en dépit du trouble. Rappelons aussi que, dans les études, la majorité des partenaires d'éjaculateurs précoces se disaient tout à fait satisfaites de leur sexualité de couple. Il serait bien naïf de prétendre réduire la sexualité à une question de contrôle éjaculatoire.