Rendez-vous santé. La prévention du cancer du sein est-elle possible?
Lundi, des chercheurs américains ont créé un effet en annonçant que l'on pourrait dorénavant prévenir le cancer du sein. Leurs travaux en cours portant sur plus de 13 000 femmes à haut risque, un traitement par Tamoxifène réduirait de 45% le risque de survenue d'une tumeur cancéreuse au sein. Au lendemain de leur annonce, des chercheurs anglais et français se sont lancés dans la polémique en déclarant "qu'il était bien trop tôt pour pouvoir tirer pareilles conclusions". "Il s'agit uniquement d'un essai clinique, nous n'avons aucun résultat à long terme", a ainsi affirmé le professeur Tony Howell, de l'équipe anglaise. A l'inverse, Bernard Fisher, directeur scientifique de l'étude américaine évoque "un tournant historique" Pour la première fois, on a mis en avant un traitement préventif". Le Tamoxifène était, jusqu'à présent, utilisé dans le traitement des tumeurs du sein.
Des médicaments pour prévenir le cancer du sein
LE CANCER DU SEIN est une maladie très fréquente. Si les experts se disputent pour savoir s'il existe une augmentation réelle ou seulement un meilleur dépistage, ils s'empoignent aussi sur la nécessité de mener une prévention et savoir à qui la proposer. Plusieurs études ont montré que le tamoxifène, un médicament dit antioestrogénique, était efficace chez les femmes ménopausées atteintes de cancer du sein pour réduire le risque de récidive. D'autres, allant plus loin, ont conclu que ce médicament permettait d'éviter ces tumeurs chez des femmes en bonne santé, mais à risque accru pour des raisons génétiques ou autres. Avec cependant comme effets secondaires une majoration des cancers de l'utérus et des embolies pulmonaires, qui ont fait récuser l'usage élargi du tamoxifène en prévention primaire.
Des travaux plus récents ont mis en évidence qu'un médicament de la même famille, le raloxifène, utilisé contre l'ostéoporose, réduisait également le risque de cancer du sein avec des effets secondaires mal explorés, mais apparemment plus limités. Dans ces conditions, le raloxifène est-il plus adapté à la prévention que le tamoxifène ?
Pour répondre à cette question, les résultats d'un essai thérapeutique comparant les deux molécules, lancé aux États-Unis en 1999 sur 19 747 femmes ménopausées, viennent d'être présentés hier à la réunion annuelle de l'Association américaine d'oncologie clinique qui se tient actuellement à Atlanta. Les 19 747 volontaires participant à cet essai, toutes sélectionnées parce qu'à haut risque de cancer du sein du fait d'antécédents familiaux ou de prédisposition génétique, ont été divisées en deux groupes, les unes recevant 20 milligrammes de tamoxifène par jour, les autres 60 mg de raloxifène.
À la date du 31 décembre 2005, les chercheurs ont comptabilisé quasiment autant de cancers du sein dans les deux groupes (168 pour le raloxifène et 163 pour le tamoxifène). En revanche, le taux de cancer de l'utérus est plus faible avec le raloxifène (23 cas) qu'avec le tamoxifène (36 cas), tout comme celui d'embolie pulmonaire et de thrombose veineuse profonde, 100 cas avec le premier médicament, 141 avec le second. On peut noter aussi moins de cataractes avec le raloxifène. En revanche, le nombre d'infarctus est légèrement plus élevé avec le raloxifène (126 contre 114), tout comme celui d'attaques cérébrales (50 contre 41).
Pour les auteurs, ces données méritent que soit à nouveau débattu l'intérêt d'une prévention médicamenteuse du cancer du sein. "C'est très important de réfléchir à ces questions, estime le professeur Henri Pujol, cancérologue, président de la Ligue nationale contre le cancer. Pour les femmes à haut risque pour des raisons génétiques, la seule chose que l'on propose actuellement, c'est soit une surveillance régulière en attendant que le cancer arrive pour le traiter, soit l'ablation préventive des deux seins. Entre ces deux alternatives, il y a visiblement un chaînon manquant."
L'effet cancérigène du Tamoxifène connu depuis les années 80. Informés, les médecins ont continué à prescrire ce médicament qui présente plus d'avantages que d'inconvénients.
"Un médicament dangereux", "un anticancéreux qui donne le cancer".
L'annonce du classement par l'OMS du Tamoxifène parmi les produits cancérigènes a suscité une vague d'affolement chez de nombreuses femmes. Dès hier matin, les appels inquiets de patientes traitées par le Tamoxifène commençaient dans les centres anticancéreux, sans que les médecins s'en émeuvent outre mesure. Car cette panique est injustifiée: l'effet cancérigène de ce médicament est connu depuis la fin des années 80, et les spécialistes n'ont heureusement pas attendu l'OMS pour surveiller de près les femmes traitées.
Utilisé depuis plus de vingt ans, le Tamoxifène est un produit hormonal qui réduit d'un tiers le risque de récidives de cancer du sein. Et protégerait éventuellement les femmes présentant un risque familial de cancer. C'est d'ailleurs pour évaluer cette dernière indication, très contestée en France, que l'OMS a souhaité se pencher sur la question. Les effets du Tamoxifène sont complexes. Il s'agit, d'une part, d'effets antioestrogènes qui empêchent la stimulation des cellules cancéreuses par ces hormones féminines et, d'autre part, d'un effet comparable à celui des oestrogènes. Cette activité "oestrogène-like" est responsable des complications du Tamoxifène.
Comme tous les oestrogènes, elle entraîne à la fois des effets bénéfiques (consolidation des os) et des effets dangereux, avec des risques de thrombose vasculaire et de cancer de l'utérus. Les premières observations de cancer de l'endomètre dans le cadre de ces traitements remontent à la fin des années 80. Sur tous les cas publiés, aucun décès par cancer de l'utérus n'a été constaté.
Ces cancers, dont la fréquence est mal connue et que l'OMS chiffre, de manière assez floue, entre un facteur 2 et 7, surviennent en général à moyen terme, c'est-à-dire dans les deux ans et plus qui suivent le traitement. Les spécialistes demandent donc aux femmes traitées de pratiquer très régulièrement (une fois par an) un examen gynécologique. "Nous avertissons toujours les femmes de ces risques, explique le professeur Jacques Rouessé, directeur du Centre anticancéreux René-Huguenin, à Saint-Cloud. Nous ne mentionnons pas forcément les risques de cancer car il est inutile de les affoler. En revanche, lorsqu'une patiente désire en savoir plus, nous lui répondons évidemment sur ce point." Les spécialistes français, contrairement aux Américains, se sont toujours montrés très prudents dans l'utilisation du produit. Alors que certains prescrivent le Tamoxifène à titre préventif aux femmes qui présentent un risque familial de cancer du sein, les Français réservent ce traitement aux seuls risques de récidive et, particulièrement, aux femmes plutôt âgées (après la ménopause). "Il s'agit d'un très bon médicament qui réduit de 25 à 30% le risque de rechute de cancer du sein. Sur les 23.000 nouveaux cas annuels en France, la moitié relève sans doute de ce traitement. Cependant, comme beaucoup de médicaments efficaces, et en particulier de traitements anticancéreux, le Tamoxifène a des effets secondaires. C'est aussi le cas de la chimiothérapie et de la radiothérapie", poursuit Jacques Rouessé, qui avoue ne pas voir en quoi l'avis des experts du Circ (Centre international de recherche contre le cancer) constitue une nouveauté. Même réaction à l'Agence du médicament, qui précise dans un communiqué que "l'intérêt de l'utilisation du Tamoxifène n'est pas remis en cause comme l'a d'ailleurs souligné le groupe de travail du Circ. Le Tamoxifène est un traitement majeur qui permet de diminuer considérablement la mortalité et le taux de rechute chez les patientes traitées, et de réduire le risque d'un cancer sur l'autre sein. Ces données ont été confirmées dans des études chez plusieurs dizaines de milliers de femmes".
Un anticancéreux mis sur la liste des produits cancérogènes. L'OMS confirme le soupçon qui pesait sur le Nolvadex et le Tamofène.
Le médicament le plus utilisé dans le monde contre les cancers du sein, et qui serait peu prescrit en France, est "cancérogène" et a été classé par l'agence de recherche de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la liste des produits présentant un risque réel de cancer.
Les propriétés de ce médicament, le tamoxifène (commercialisé sous le nom de Nolvadex et de Tamofène) sur lequel il existait des doutes, ont été scrupuleusement passées en revue par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), basé à Lyon, qui vient de rendre son avis.
"Selon les études qui ont été soumises aux experts, a indiqué jeudi à l'AFP le Dr Julian Wilbourn, responsable du service d'évaluation des cancérogènes au Circ, les risques de cancer de l'endomètre (la muqueuse interne de l'utérus) sont multipliés de deux à sept fois."
Connu depuis plus de dix ans, le tamoxifène est un anti-oestrogènes: il agit en bloquant ces hormones féminines qui favorisent la croissance de la tumeur.
Dans la monographie sur "l'évaluation des risques carcinogènes pour les êtres humains" que publiera le Circ, et qui rassemble environ 800 produits, le tamoxifène a été classé dans le groupe 1 regroupant environ 70 produits capables de provoquer des cancers.
Il voisine désormais à côté des aflatoxines (des champignons liés à la mauvaise conservation des céréales qui provoquent des cancers du foie), de l'amiante, du benzène, de métaux comme le cadmium et le béryllium, des virus B et C des hépatites, du chlorure de vinyl (employé dans la fabrication des plastiques), des goudrons de houille et de plusieurs autres médicaments, la cyclosporine et plusieurs anticancéreux.
L'ouvrage du Circ est destiné aux laboratoires pharmaceutiques, aux agences nationales de mise sur le marché des médicaments et aux médecins. Il est réputé dans le monde pour l'évaluation impartiale des substances chimiques, des produits pharmaceutiques, des procédés industriels et d'agents biologiques ou physiques pouvant accroître le risque de cancer.
Le tamoxifène avait été inscrit à l'ordre du jour du conseil scientifique du Circ en raison de rapports faisant état d'un potentiel accroissement du risque de cancer de l'endomètre.
Ce médicament, rappelle le Circ, "est reconnu par l'OMS comme essentiel pour le traitement du cancer du sein". "Il est actuellement en cours d'évaluation dans un certain nombre d'essais destinés à déterminer s'il réduit l'incidence du cancer du sein chez les femmes saines" mais considérées comme ayant, pour des raisons familiales, un risque accru de développer la maladie.